A quatre jours de l'ouverture du Mondial sud-africain, un sondage publié par Le Parisien révèle que moins de six Français sur dix s'intéressent à la Coupe du monde (58 %), et que les Bleus ne font pas rêver, mais alors pas du tout. Etonnant ? Non. Regrettable ? Un peu, parce que si les tricolores ne méritent (pour l'instant) pas mieux, la Coupe du monde si.
Se moquer de l'équipe de France a toujours été un sport national. Certes, la route vers le Mondial ressemble de plus en plus à un chemin de croix pour Ribéry et compagnie, mais le désamour du public ne date pas d'hier, ni même d'avant hier. Du rejet d'un sélectionneur incompris aux diverses affaires (de la main d'Henry à Zahia D.), il y a indéniablement un bon nombre de facteurs conjoncturels qui ont accentué le phénomène. Sur ce point, la comparaison avec d'autres "grandes nations" du ballon rond, comme l'Angleterre, l'Italie ou l'Argentine, pourraient toutefois nous inviter à relativiser cette pseudo-défiance.
Mais au-delà du creux de la vague traversée par le navire tricolore, le rapport ambigu entre les Bleus et leur public est surtout d'ordre structurel. Car pour qu'il y ait désamour, il faut qu'il y ait eu amour. Et c'est loin d'être une évidence dans l'Hexagone. L'exception n'est ainsi pas de voir une équipe de France raillée et critiquée avant un grand tournoi, c'est même plutôt la règle. L'exception, c'est 2002, lorsque les Bleus partent la fleur au fusil, encouragés par un peuple qui vient de découvrir la victoire (Coupe du monde 1998, Euro 2000) et qui s'imagine invincible. Le retour sur Terre fut (a été) éclatant d'ironie, avec la première élimination du tenant du titre au premier tour, avec zéro but marqué. La parenthèse enchantée (98-2000) pouvait se refermer.
LE BALLON AVEC L'EAU DU BAIN
A l'image de son imprévisible équipe, le public français endosse souvent le rôle du mauvais élève du foot mondial, celui du sale gosse qui n'en fait qu'à sa tête, dont on ne sait plus trop quoi attendre. Le cancre du fond de la classe, qui ne veut jouer et s'enthousiasmer que s'il est sûr de gagner, et un et deux et trois zéro, en oubliant crânement que le football est d'abord affaire de défaite, et qu'une Coupe du monde se termine avec trente et un perdants sur trente-deux équipes.
Capricieux et suiveur, le public français s'est toujours tenu à distance de la sélection nationale. Mais il en manque parfois, de distance, pour relativiser les hauts et les bas, et apprendre à rire autant de ses joueurs que de la victoire ou de la défaite. La France est peut-être une terre de football, elle n'en est pas une de supporteurs. Elle n'en a ni la culture ni le goût, ce qui n'est évidemment pas un problème en tant que tel, certains pourront même considérer que c'est rassurant.
Mais si la troupe de Raymond Domenech peine à jouer, rien n'oblige les Français à régler leur humeur sur celle de leur triste équipe. Et à défaut de fantasmer sur la sélection, qui fait ce qu'elle peut, nous montrer capables d'apprécier une Coupe du monde pour ce qu'elle est, une orgie de football, et non pour ce que chacun croit qu'elle devrait être. A J-4 du premier Mondial en terre africaine, que l'on espère festif, il serait dommage de jeter le ballon avec l'eau du bain.
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