Récit
Insultes, expulsion d’Anelka, double discours à la presse, boycott de l’entraînement… Le Mondial des Bleus vire au grotesque.
Raymond Domenech et Patrice Evra, hier, avant la décision des joueurs de ne pas s'entraîner. (Reuters)
Robert Duverne avait déjà posé ses plots. Il est 16 heures hier quand les joueurs descendent du bus qui leur permet de ne pas faire à pied les 400 mètres qui séparent leur hôtel du Field of Dreams (on ne résiste pas : «le terrain des rêves», en français) du Pezula Hotel, sur lequel ils s’entraînent depuis deux semaines. Tous les joueurs filent signer des autographes aux supporteurs, massés sur la gauche du terrain. Tous, sauf leur capitaine, Patrice Evra, en grande discussion avec le sélectionneur, Raymond Domenech. Et c’est là que l’équipe de France s’est abandonnée au chaos.
Robert Duverne, le préparateur physique, s’approche d’Evra avec l’intention manifeste de lui casser la gueule. Domenech s’interpose. Duverne, furieux, s’éloigne en balançant son chronomètre. Evra file intimer aux joueurs de rentrer dans le bus, avant même que le moindre ballon ait roulé. Ils y vont comme un seul homme, et on remarque le détail qui tue : ils sont en basket, alors que l’on s’entraîne en crampons. Jean-Louis Valentin, le directeur général de la Fédération française de football (FFF), surgit de derrière le bus et quitte le terrain : «Putain, fait chier ! Honteux ! Merde, ils sont en basket ! Je démissionne, je rentre à Paris.» L’histoire va prendre un tour épouvantable.
blême. Domenech, qui est remonté dans le bus avec les joueurs, en descend au bout d’une demi-heure avec un communiqué des joueurs. Il le lit : «Par ce communiqué, tous les joueurs de l’équipe de France sans exception veulent affirmer leur opposition avec la décision prise par la Fédération française de football d’exclure Nicolas Anelka du groupe…» Le sélectionneur est blême. Anelka a été viré la veille à la suite de la publication dans le quotidien l’Equipe des propos qu’il a tenu à Domenech à la mi-temps du match France-Mexique (0-2) de jeudi : «Va te faire enculer, sale fils de pute !» Et c’est le même Domenech qui, d’une voix blanche, lit pour la galerie le texte où les joueurs défendent leur attaquant vedette.
La scène est d’une violence inouïe. Sadisé par ses joueurs, le sélectionneur tricolore s’exécute devant des caméras dont les images - tous les présents le savent à cet instant, et Raymond Domenech aussi - feront le tour du monde. Pour l’anecdote, les joueurs ont formalisé leur protestation en boycottant l’entraînement. On relève ces mots-là dans le laïus mécanique du coach : «Nous, joueurs, sommes conscients de nos responsabilités, celles de porter les couleurs de notre pays, mais celles également que nous avons à l’égard de nos supporteurs, de leurs cadres, éducateurs, bénévoles et des innombrables enfants qui gardent les Bleus comme modèles.»
Ce week-end, la réalité a dépassé toutes les fictions possibles. Franck Ribéry hier, à Téléfoot : «L’équipe de France a explosé.» Pas seulement. Juste avant le match France - Afrique du Sud de demain, c’est tout le foot français qui s’est désintégré et même au-delà : l’idée même que l’on pouvait se faire d’un joueur de haut niveau. Les sous-titres de la scène d’hier nous avaient été donnés la veille, lors de la conférence de presse tenue conjointement par Jean-Louis Valentin, Patrice Evra et Jean-Pierre Escalettes, le président de la FFF. Ceux-là étaient venus annoncer l’éviction d’Anelka.
«un traître parmi nous». La question suivante a été vite posée : est-ce que l’attaquant de Chelsea aurait été viré si ses mots n’avaient pas été repris dans la presse ? Escalettes : «Mais bien sûr, voyons !» Plus tard, même question, autre réponse : «On ne va pas refaire le monde.» Evra : «Tous les joueurs ont plaidé pour que Nico reste. Ce n’est pas la première fois que ça arrive. Les insultes, c’est la vie du vestiaire. Le fait que ça sorte montre que le groupe n’est pas sain. Et ça sort depuis des semaines. Il y a un traître parmi nous. Il faut l’éliminer du groupe.» Est-ce qu’il le connaît ? «Bien sûr.» Le niveau d’attention monte à l’infini, mais un journaliste coupe maladroitement le joueur. Qui, quand la question revient sur le tapis, reste évasif.
Du point de vue des présents, cette chasse au «traître» est grotesque, aussi grotesque d’ailleurs que la soi-disant unanimité des joueurs autour du cas Anelka. Le traître est plusieurs. Dans les chambres du Pezula, c’est sauve-qui-peut : les mecs passent leur temps au téléphone - avec leurs femmes, coéquipiers en club, parents, agents et mêmes journalistes - à se raccrocher à un monde extérieur qui doit leur sembler une sorte d’Eden par rapport à ce qu’ils vivent. Mais bon, Evra y tient, au «traître». Et poursuit : «Ce qu’a fait Nico est inadmissible.» Un journaliste s’énerve : mais si, mon gars, c’est admissible puisque tous les joueurs (moins quelques-uns) voulaient qu’il reste !
Le joueur de Manchester United ne comprend même pas le raisonnement qu’on vient de lui opposer. Heureusement, Escalettes détend l’atmosphère en balançant un truc fabuleux : «Quand on lui a appris son renvoi, l’attitude d’Anelka a été digne et noble.» Un gage de soumission aux joueurs. Ah, en sortant du terrain, jeudi, le défenseur William Gallas a fait un doigt d’honneur au journaliste de TF1 qui lui tendait un micro. Allez les Bleus !!!
Robert Duverne, le préparateur physique, s’approche d’Evra avec l’intention manifeste de lui casser la gueule. Domenech s’interpose. Duverne, furieux, s’éloigne en balançant son chronomètre. Evra file intimer aux joueurs de rentrer dans le bus, avant même que le moindre ballon ait roulé. Ils y vont comme un seul homme, et on remarque le détail qui tue : ils sont en basket, alors que l’on s’entraîne en crampons. Jean-Louis Valentin, le directeur général de la Fédération française de football (FFF), surgit de derrière le bus et quitte le terrain : «Putain, fait chier ! Honteux ! Merde, ils sont en basket ! Je démissionne, je rentre à Paris.» L’histoire va prendre un tour épouvantable.
blême. Domenech, qui est remonté dans le bus avec les joueurs, en descend au bout d’une demi-heure avec un communiqué des joueurs. Il le lit : «Par ce communiqué, tous les joueurs de l’équipe de France sans exception veulent affirmer leur opposition avec la décision prise par la Fédération française de football d’exclure Nicolas Anelka du groupe…» Le sélectionneur est blême. Anelka a été viré la veille à la suite de la publication dans le quotidien l’Equipe des propos qu’il a tenu à Domenech à la mi-temps du match France-Mexique (0-2) de jeudi : «Va te faire enculer, sale fils de pute !» Et c’est le même Domenech qui, d’une voix blanche, lit pour la galerie le texte où les joueurs défendent leur attaquant vedette.
La scène est d’une violence inouïe. Sadisé par ses joueurs, le sélectionneur tricolore s’exécute devant des caméras dont les images - tous les présents le savent à cet instant, et Raymond Domenech aussi - feront le tour du monde. Pour l’anecdote, les joueurs ont formalisé leur protestation en boycottant l’entraînement. On relève ces mots-là dans le laïus mécanique du coach : «Nous, joueurs, sommes conscients de nos responsabilités, celles de porter les couleurs de notre pays, mais celles également que nous avons à l’égard de nos supporteurs, de leurs cadres, éducateurs, bénévoles et des innombrables enfants qui gardent les Bleus comme modèles.»
Ce week-end, la réalité a dépassé toutes les fictions possibles. Franck Ribéry hier, à Téléfoot : «L’équipe de France a explosé.» Pas seulement. Juste avant le match France - Afrique du Sud de demain, c’est tout le foot français qui s’est désintégré et même au-delà : l’idée même que l’on pouvait se faire d’un joueur de haut niveau. Les sous-titres de la scène d’hier nous avaient été donnés la veille, lors de la conférence de presse tenue conjointement par Jean-Louis Valentin, Patrice Evra et Jean-Pierre Escalettes, le président de la FFF. Ceux-là étaient venus annoncer l’éviction d’Anelka.
«un traître parmi nous». La question suivante a été vite posée : est-ce que l’attaquant de Chelsea aurait été viré si ses mots n’avaient pas été repris dans la presse ? Escalettes : «Mais bien sûr, voyons !» Plus tard, même question, autre réponse : «On ne va pas refaire le monde.» Evra : «Tous les joueurs ont plaidé pour que Nico reste. Ce n’est pas la première fois que ça arrive. Les insultes, c’est la vie du vestiaire. Le fait que ça sorte montre que le groupe n’est pas sain. Et ça sort depuis des semaines. Il y a un traître parmi nous. Il faut l’éliminer du groupe.» Est-ce qu’il le connaît ? «Bien sûr.» Le niveau d’attention monte à l’infini, mais un journaliste coupe maladroitement le joueur. Qui, quand la question revient sur le tapis, reste évasif.
Du point de vue des présents, cette chasse au «traître» est grotesque, aussi grotesque d’ailleurs que la soi-disant unanimité des joueurs autour du cas Anelka. Le traître est plusieurs. Dans les chambres du Pezula, c’est sauve-qui-peut : les mecs passent leur temps au téléphone - avec leurs femmes, coéquipiers en club, parents, agents et mêmes journalistes - à se raccrocher à un monde extérieur qui doit leur sembler une sorte d’Eden par rapport à ce qu’ils vivent. Mais bon, Evra y tient, au «traître». Et poursuit : «Ce qu’a fait Nico est inadmissible.» Un journaliste s’énerve : mais si, mon gars, c’est admissible puisque tous les joueurs (moins quelques-uns) voulaient qu’il reste !
Le joueur de Manchester United ne comprend même pas le raisonnement qu’on vient de lui opposer. Heureusement, Escalettes détend l’atmosphère en balançant un truc fabuleux : «Quand on lui a appris son renvoi, l’attitude d’Anelka a été digne et noble.» Un gage de soumission aux joueurs. Ah, en sortant du terrain, jeudi, le défenseur William Gallas a fait un doigt d’honneur au journaliste de TF1 qui lui tendait un micro. Allez les Bleus !!!
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